Vie des saints du Proche-Orient chrétien...

Publié le par Père Patrice Sabater

La vie de Sainte Rafka ar-Rayes

Moniale de l'Ordre libanais maronite

(1ère Partie)

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C’est en 1832, à Himlaya, village maronite du Metn, qu’est née Sœur Rafqa. Son père s’appelait Mrad Saber El –Choboq, famille confondue avec celle de Al – Rayes. Sa mère s’appelait Rafqa GEMAYEL. Elle fut baptisée sous le nom de Boutroussieh (Pierrette). Sa mère mourut lorsqu’elle avait sept ans. Son père se remaria peu de temps après. Orpheline, elle garda de sa mère un souvenir pieux et une éducation chrétienne. Privée très tôt de tendresse maternelle, Boutroussieh retourna son amour filial vers la Sainte Vierge sa Mère céleste.
Vers 1840, la vie au Liban était difficile : Querelles religieuses, combats et difficultés économiques obligèrent le père de Boutroussieh, alors dans le besoin, à la placer comme domestique chez la famille de Assad Al-Badaoui, originaire de Baabda et installée à Damas. C’est de bon cœur qu’elle se plia à la volonté de son père, et elle resta trois ans chez les Badaoui, d’ailleurs gens honnêtes et droits.
A l’âge de 14 ans, son père la ramena de Damas à Himlaya dans le dessein de la marier, comme c’était la coutume en ce temps-là. Belle, Boutroussieh pourtant refusa tous les prétendants. Ce qui mit en désaccord sa marâtre et sa tante maternelle qui lui destinaient chacune un époux. Chagrinée par ces disputes, Boutroussieh entra en religion en 1853. Elle se rendit au couvent de Notre Dame de la Délivrance à Bikfaya, appartenant aux sœurs Mariamettes. La Mère Supérieure l’accepta au couvent. Boutroussieh refusa même de recevoir son père furieux, venu la réclamer au couvent. Là, après un postulat et un noviciat plus que satisfaisants, elle changea de nom et prit celui de sœur Anissa (Agnès).

En 1856, à Ghazir, elle émit les vœux temporaires d’obéissance, de chasteté et de pauvreté. Chez les Mariamettes, on ajoutait un quatrième vœu, celui de faire la mission, c’est-à-dire de collaborer avec les pères jésuites et sous leur direction à l’apostolat auprès de la population féminine, et d’aller tous les dimanches enseigner le catéchisme dans les villages dépourvus d’écoles. A Ghazir, elle resta jusqu’en 1860 à s’occuper de la cuisine pour les élèves du couvent.
En 1860, elle fut envoyée de Ghazir à Deir El-Kamar, où elle vécut les massacres sanglants des maronites par les druzes. D’ailleurs, sœur Anissa, avec les autres Mariamettes dut son salut pendant les massacres à un musulman qui les cacha dans l’étable à bestiaux. Après deux ans à Deir El-Kamar, elle passa un an à Jbeil à enseigner les filles, puis sept ans à M’aad où elle tint l’école des filles, à la demande de Antoun Issa de M’aad. Ce dernier, notable très riche de la région, chrétien fervent, vivait avec sa femme dans la crainte de Dieu ; il offrit sa maison à sœur Anissa, qui assurait l’enseignement et l’éducation aux filles du village. De sœur Anissa, la religieuse Mariamette, tous les témoins gardent un souvenir des plus suaves. Elle accomplissait sa mission de la manière la plus parfaite. Ce fut une grosse perte pour le village, lorsque sœur Anissa quitta M’aad pour embrasser la vie monastique dans l’ordre baladite.
Les religieuses Mariamettes menaient une vie active dans les diverses régions de la montagne libanaise. Sœur Anissa accomplissait avec joie sa mission. Malgré cela, c’est vers la vie monacale et cloîtrée qu’elle se sentait appelée. Lorsque la Congrégation des Mariamettes de Bikfaya et celle des de Zahlé furent dissoutes, sœur Anissa et ses consoeurs furent dans le désarroi. Après une nuit de larmes et de prières, elle trouva sa vocation ; elle décida d’entrer dans l’Ordre baladite. Malgré l’insistance de son bienfaiteur Antoun Issa, malgré ses offres généreuses, sœur Anissa refusa de continuer sa mission à M’aad et voulut se rendre immédiatement au monastère de Saint Seman El-Qarn. Alors, Antoun Issa lui offrit la pension exigée pour l’entrée au couvent, et une lettre à l’Archevêque Joseph Feraifer pour faciliter son admission à Saint Seman El-Qarn.
Et c’est ainsi que Boutroussieh, Sœur Anissa dans la Congrégation des Mariamettes entra au noviciat de l’ordre baladite de St. Seman El-Qarn, sous le nom de Rafqa, le 12 Juillet 1871. Le 25 Août 1873 la religieuse Rafqa prononça ses vœux solennels. Elle prit le nom de sa mère pour marquer qu’elle était comme sa mère, définitivement morte au monde et qu’elle se consacrait totalement à son bien-aimé.
 Croix Eddeh
Rafqa avait une constitution saine et robuste, et ne s’est jamais plainte de sa santé. Mais son amour ardent pour le Sauveur voulait s’unir à lui dans la souffrance. C’est pourquoi elle supplia le Christ de lui accorder la grâce de partager ses douleurs. C’est ainsi que le premier dimanche du mois d’octobre 1885, jour de la fête du Rosaire, elle adressa la prière d’être visitée par la maladie pour communier complètement avec la Passion du Christ. De fait, le soir même, elle éprouva une douleur très violente à la tête et au-dessus des yeux. Ainsi commença le calvaire de Sœur Rafqa, qui ne finira qu’avec sa mort. Sœur Rafqa commença donc par avoir des maux de tête et d’yeux. On l’envoya voir un médecin à Tripoli. Celui-ci lui fit la sonde, une ponction allant d ‘une oreille à l’autre. Le sang jaillit. Deux ou trois jours après, la plaie s’enflamma, et de la matière purulente commença à en sortir en abondance, un mois durant. Alors elle retourna au couvent de Mar Seman, et depuis, elle n’eut aucun jour de repos. Ses douleurs s’aggravaient de jour en jour et pourtant elle les supportait en silence et en priant. Cette passion vécue par Sœur Rafqa a été décrite par toutes ses consoeurs. Et toutes s’accordent à vanter son courage dans le malheur, et l’offrande de ses douleurs à son bien-aimé Jésus-Christ. Les seules paroles qui sortaient de sa bouche sont : En communion avec vos souffrances, Jésus ! ou : Pour la gloire de Dieu. On la fit voir à un prêtre de Sérel, le curé Mikhaïl, qui avait des notions de médecine. En vain, les douleurs persistèrent. Puis on l’emmena chez un médecin diplômé, Joseph effendi Ragi, médecin militaire à Batroun. Il déclara sa maladie impossible à guérir. La Supérieure l’envoya à Beyrouth. A Jbeil on l’emmena à un médecin américain qui, après l’examen, jugea nécessaire une opération de l’œil droit. Confiante dans les paroles du médecin, elle accepta. Mais elle refusa l’anesthésie de l’œil avant l’opération. Le médecin la fit asseoir sur une chaise, et fit pénétrer dans son œil un bistouri long et affilé comme un hameçon et le tira vers sa poitrine. L’œil fut arraché en entier et il tomba devant elle à terre, palpitant un peu. Malgré la douleur atroce qui s’ensuivit, elle se contenta de dire : En communion avec la Passion du Christ. Devant la barbarie de l’acte du médecin, le prêtre qui accompagnait Rafqa tança le médecin qui s’enfuit. (fin de la Première Partie)

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